Regreso de México, 2019
Poïmiroo en ancien béarnais ça veut dire "le point de vue ou le haut du puits" d’après l’Académie du Béarn, "peut-être même une très ancienne étymologie de poëte" (sic). Laurent Poïmiroo est né en 1966 à Toulouse, rue des bûchers - sans doute là même où 800 ans plus tôt on avait cru bon de carboniser les Cathares du coin- d’un père élève officier mécanicien de la marine marchande et d’une mère styliste de mode stagiaire chez Dior. L’enfant est élevé les cinq premières années par son arrière-grand mère, Maria Aïn (en langues sémites aïn veut dire à la fois la source et l’orifice d’où coulent les larmes) née en 1896 cinq ans après l’ultime voyage d’Arthur Rimbaud à Marseille.
Sous le soleil d’août 78 d’une sous-préfecture dépeuplée, l’enfant solitaire, mélancolique et dyslexique se disloque contre une voiture lancée à vive allure. S'en suit un chemin de vie sans logique apparente ni ambition démesurée où il s’est appliqué à jouer beaucoup de rôles: journaliste, manutentionnaire, ouvrier, aide soignant, modèle vivant, enseignant le français au Mexique, au Guatemala et au Pays basque, proche aidant. Exercé douze métiers et treize misères sans jamais s’être identifié à l’acteur mais réalisant ce qu’écrivait Antonin Artaud: « Les fonctions sont les chambres vides d’où l’être qui a pu apparaître un jour a été refoulé. »
En regardant ses images vient la sensation qu’il y a quelque chose derrière. « L’inaperçu, l’ineffaçable » dirait Edmond Jabès. Rien de précis, tout de sensible. « Pourvu qu’une photographie soit un poème, qu’elle subvocalise le regard», espère t-il. Une recherche naïve de la beauté, de l'esprit, du silence. Satisfaire ce besoin de disponibilité, d'éveil, d'attention au monde, d'imprégnation. C'est aussi un travail sur la disparition, l'effacement... la symbiose. Prise de vue spontanées sur ce qui est sur le chemin. Parfois sous la pluie de la vitre d'une voiture ou derrière un plexiglass orange qui donne sa matité au cliché. Ses photographies imaginent les chemins empruntés par les âmes entre les mondes du visible et de l’invisible, esquissent leurs lieux de rencontre au coeur de la beauté mystérieuse du vivant, leurs palabres avec les oiseaux dans une forêt bleue, interrogent le devenir de Sapiens, debout en bord de mer, au bord du bord…
Artiste autodidacte, poète voué à la notoriété de l’ombre, Laurent Poïmiroo nous invite ici à partager l’expression de l’inépuisable tendresse de l’âme, du coeur indompté.
L'arbre sur la colline, aquarelle, 1976
" Les poètes sont des monstres. Ils nous aideront à traverser la nuit qui vient".
Christian Bobin